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Mardi 19 mai :

 

Je m’éveille en sursaut… « Qui a mis la radio à fond ? »

Surprise, me voici dans une chambre inconnue…je regarde l’heure 4h30…La « radio » c’est tout simplement le haut parleur sur le toit de la mosquée toute proche qui diffuse bruyamment la prière matinale… J’enfile un vêtement, et, vieille habitude d’insomniaque, je sors « écouter » la nuit.
 Au bout d’une large galerie, la terrasse donne sur la campagne, accoudée à la balustrade je respire le Bénin. Cette nuit le ciel sans étoiles demeure sombre. Pas de chant de grenouilles, grillons où cigales, comme dans les nuits du Périgord, à cette heure l’espace est empli par la litanie du muezzin. Ici ni parfum de fougères, de forêt, de foin où d’étable mais la terre d’Afrique exhale son odeur, forte, indéfinissable, un peu poivrée que je hume avec délice m’imprégnant de ce pays.

Apaisée, je regagne mon lit. Un peu plus tard c’est l’angélus des églises catholiques qui sonnera le réveil. Le groupe, une fois rassemblé, chacun commente ce « réveil » en fanfare… le petit déjeuner chez tata Martine est copieux. Omelette aux oignons/tomates, café et lait en poudre, pain et beurre, fruits. Je vais apprendre qu’ici on utilise beaucoup les oeufs de pintades. Leur coquille plus épaisse résiste mieux à la chaleur que les œufs de poule.

N’Dali est plein de l’agitation matinale autour des étalages. Nous reprenons la route. Une partie du groupe reste à Ina pour assurer les préparatifs du salon. Nous accompagnons Béatrice dans ses visites aux Cuma.

A Bembéréké, nous rejoignons Etienne (président de l’union régionale des cuma du Bénin) dans sa ferme.

Etienne ! Une autorité naturelle, un regard acéré et une acuité dans sa perception des gens assez étonnante. Il semble lire dans les pensées, du moins les miennes... et sa gentillesse se teinte parfois de raillerie… Sans aucun commentaire, il a « reniflé » un petit côté… féministe chez Béatrice et moi… Aujourd’hui  il va nous conduire dans la brousse où Aladji règne sur la Cuma de Waranrou. Tout d’abord une vraie piste en terre battue.  Notre véhicule soulève un véritable nuage de poussière ocre rouge comme la terre. De minuscules villages d’habitat typique, terre et toit de chaume, défilent. Nous apercevons un troupeau de zébus, conduit par le berger Peuhl. D’énormes termitières  se dressent, en plein champ où sous les manguiers. Les feuillages du bas, encore roussis, témoignent de la pratique de l’écobuage à la saison chaude, après les récoltes.

 Waranrou, le village s’étale au soleil. Sur de vastes espaces entre les bâtiments, le manioc (garri), le mil, la moutarde( néré) sèchent sur de grands draps. De gros tas de bois sec sont stockés avant d’alimenter les feux de cuisson.

Le tracteur que nous voyons a connu une lointaine jeunesse…

Gros plan sur un pneu avant…le trou a été colmaté à l’aide d’un morceau d’autre pneu…cousu…carrément. Rudimentaire mais efficace, la roue n’est pas dégonflée ! Nous apprenons que le tracteur neuf de la Cuma (issu du don chinois) est au travail, loin dans la brousse mais il semble que l’on puisse y accéder en voiture. Yvan et Jean-François sont impatients de voir ce fameux tracteur Jinma.

Nous nous enfonçons dans ce qui n’est pas une forêt de haute futaie comme chez nous, mais plutôt de grands arbustes. Pas de vrai chemin, notre chauffeur avance lentement sur des sentiers de chèvres, contournant arbustes et souches. Ici une sorte de fossé sableux et sec. Un pont de bois érigé à côté nous donne idée de la hauteur d’eau au moment des grandes pluies, de quoi recouvrir largement notre véhicule.
 Stop chauffeur ! De belles fleurs violettes tapissent un coin de brousse. Photographiées… mais non identifiées… Pas un seul animal sauvage. Etienne a bien rit quant j’ai avoué ma phobie des serpents… « Le serpent il te verra le premier et sera parti avant que toi tu ne l’ai vu ! » voila qui ne me rassure pas complètement…Il poursuit « Les autres animaux sauvage ? Comme chez toi ! les phacochères. Pour les éléphants  il faut aller plus haut dans le nord. »

En effet nous n’apercevrons fugitivement que quelques oiseaux colorés.

Nous contournons une grande clairière, sorte de prairie au fond de laquelle on aperçoit  la maison du berger. Encore un petit bout de brousse et nous voila dans les terres à cultiver. Nous laissons la voiture à la garde du chauffeur et continuons à pied. A droite, les bosses d’un champ d’ignames. A gauche, une grande parcelle grossièrement labourée. Tout au fond deux maisons de berger aux toits de chaume donnent un charme particulier à l’endroit. Nous croisons un paysan sur sa moto. Il s’arrête et la conversation s’engage, Etienne traduit, il semble y avoir une panne avec le tracteur. L’homme est ravi d’être photographié, prend soin d’enlever son bonnet et de se tenir bien droit, très digne… Nous rejoignons un groupe réuni autour du tracteur. Voici donc le fameux chinois ! Je suis étonnée, il est à peine plus gros qu’un mini tracteur à tondre les pelouses chez nous ! Nous sommes loin de certains monstres dans nos Cuma…

Jean-François grimace devant le labour déjà effectué… Yvan et Béatrice aussi…

Le tractoriste démarre et se remet à labourer. L’engin semble sautiller dans le sillon. La terre jaillit sous la charrue et s’éparpille en jets... Bizarre en effet ! Jean-François n’y tient plus, il monte sur le tracteur, se met aux commandes, parcours quelques mètres… ça n’est pas mieux…

Une manette attire son attention…cet engin est en fait quatre roues motrices et il faut enclencher une manœuvre particulière… mais comment deviner lorsqu’on est un paysan béninois sans expérience mécanique et que la notice d’accompagnement est rédigée en… chinois !

Assise à même le sol, à l’ombre d’un arbre, avec un ancien et les jeunes, pendant que les spécialistes s’activent autour du tracteur, je savoure ces instant de quiétude champêtre au cœur de la brousse. En me retournant, j’aperçois le Jinma qui reprend le labour, et au premier plan, abandonnée dans la terre, la daba, l'outil manuel de travail du sol. Je trouve l’image belle et symbolique. Le passage du passé à l’avenir…Vite photo ! Quelques réglages et quelques sillons plus tard ça roule ! A la grande joie de nos amis.

Nous partageons avec eux un peu d’igname grillé qu’ils ont cuit sur un feu au milieu des champs. C’est une sorte de grosse racine brune, ici grillée dans la peau. Une fois épluchée, sa chair rappelle la texture et le goût de notre châtaigne. De la châtaigne poivrée.

Nous reprenons le chemin, dans la clairière les zébus et le berger sont toujours là et nous regardent passer… A waranrou nous rencontrons Aladji qui nous reçoit. Bien qu’elle soit une femme, il semble favorablement impressionné par le fait que Béatrice est une élue de la France, elle même agricultrice et s’intéressant aux cuma du Bénin. Etienne traduit et l’échange est sympathique. Par l’intermédiaire d’Etienne, nous sommes invités à poser des questions si nous le souhaitons. Je suis intriguée par le nombre de femmes et d’enfants qui évoluent dans la cour devant la maison d’Aladji. Je sais combien le système social est compliqué en Afrique et que le chef de famille doit assurer le quotidien de toute la famille, parents, frères, sœurs et neveux compris. Je brûle de savoir s’il a plusieurs épouses mais j’ai l’intuition qu’il ne faut pas le demander… Tant pis je me lance, en y mettant les formes…
« Combien de personnes sont à la charge d’Aladji ? » Le regard d’Etienne s’allume, un brin moqueur, un brin sentencieux... 
« Puisque tu pose la question comme ça, on peux lui demander ! » Aïe! je crois que j’ai faillit en faire une !  Etienne traduit.
Regard perçant, sourire et hochement de tête d’Aladji, réponse, cinquante. Je ne saurais tout de même pas combien cela fait d’épouses ! Aladji voudrait que nous retournions avec lui dans les champs. Invitation que  nous devons décliner poliment car l’emploi du temps est chargé. Nous visitons cependant le village. Dans la cour, les femmes sont affairées à la lessive et la cuisine. Le maître des lieux, fier, l’air amusé, nous en présente une, plutôt jeune, belle « Mon épouse » (Il y a au moins celle là)  Les enfants friands de photos nous entourent en riant et nous accompagnent.
Nous voici chez le forgeron.
Sous un abri rond, tout en bois, torse nu, il est assis au sol et active avec les pieds deux sortes de sacs gonflés dont l’air qui s’échappe attise les braises où rougeoie une pièce de fer. Une fois le fer bien rouge il se déplace vers l’enclume  sans bouger de son siège à roulettes et frappe pour forger la
 « daba ». Sous le manguier, un autre artisan épluche et rabote de grosses tiges de bois qui seront les manches.
Là encore nous quittons le village escortés par les enfants qui courent derrière la voiture. Au revoir… au revoir…

Nous reprenons la piste vers Bembéréké. A proximité du village, notre véhicule dépasse un cycliste qui se range précipitamment. Etienne penché à la portière l’invective et ordonne au chauffeur de s’arrêter. Une fois descendu de la voiture la discussion en langage béninois est véhémente… Je suis surprise de la colère d’Etienne que je ne comprend pas. L’homme semble contrit, tente à peine de s’expliquer, remonte sur son vélo et se met à pédaler vigoureusement. Une fois assis Etienne explique, il s’agit de son « gardien » (ouvrier agricole) engagé pour le remplacer pendant les préparatifs du salon. Il vient de le surprendre à un endroit où il ne devait pas être et a du avouer avoir profité de l’absence d’Etienne pour aller travailler en douce chez un autre agriculteur…….. Vu l’algarade gageons qu’on ne l’y reprendra pas !

Marthe, la délicieuse épouse d’Etienne nous attend pour déjeuner. La table est mise sous le  manguier, notre hôtesse nous a cuisiné de l’igname pilé. La grosse racine cuite à l’eau, épluchée est pilée en une purée gris pâle, un peu élastique, servie avec une sauce de tomates, oignons, piments dans laquelle sont ajoutés des morceaux de bœuf, un œuf dur de pintade et des morceaux de fromage Peulh. Après l’incontournable lavage des mains nous passons à table. Par égard pour nos habitudes nous disposons de cuillères mais décidons spontanément de manger à l’africaine avec les doigts. La texture de la purée d’igname se prête parfaitement à la réalisation d’une boulette que nous trempons dans la sauce. Pour ma part c’est un régal, seul le morceau de fromage me rebute un peu. Etienne est à table avec nous, Marthe nous sert avant de se mettre à son métier à tisser. Une pièce de tissu aux  belles rayures est en cours ( je vais le ramener en France et en décorer ma maison)

Marthe est une agréable jeune femme aux rire cristallin, regard pétillant et joli sourire, la scène une belle image…vite photo. Je lui explique qu’en France ma fille tisse elle aussi (dernière promotion des licières formées à l’école d’Aubusson) ce qui semble lui plaire. Elle se lève pour nous servir un plateau de fruits, Etienne est le plus prés de moi je lui montre la photo sur l’écran du numérique. Il approuve et railleur me dit « Je te fais remarquer que tu me montre à moi d’abord… » réponse instantanée « oui, mais je ne l’ai vraiment pas fait exprès ! » il éclate de rire et déclare « Je m’en doutait ! »
Le portable sonne, c'est France Bleu Périgord, qui souhaite caler un rendez vous téléphonique pour diffuser sur les ondes périgordines quelques images audio du salon.  Le repas  se termine et nous reprenons la route. Nous sommes attendus à l’usine d’égrenage de coton. Devant les bureau un superbe flamboyant offre sa floraison lumineuse et colorée mais aussi ses fruits, sortes de haricots bruns à la coque dure et contenant les graines. Béatrice et moi cueillons ces belles coques, objets décoratifs en elles mêmes mais avec l’arrière pensée de semer des flamboyants dans notre jardin.( J’ai bien obtenu un mini arbuste dans un pot mais ce ne sera jamais un arbre car à l’extérieur chez nous il va geler dés 0°) Hors saison de récolte l’activité est réduite au nettoyage et à la maintenance des machines gigantesques. Sur les murs des ateliers des panneaux d’avertissements et conseils divers nous font sourire… et pourtant !

Dans les hangars de stockage quelques balles sont entreposées emballées de plastique vert. Nous découvrons aussi des ballots d’un résidu noble, exclusivement destiné à la fabrication des jeans ainsi que des sacs de graine de coton. Toute la manutention d’arrivée et de départ du coton est évidement manuelle à l'aide de charriots à bras. Jean-François s’amuse un instant à manœuvrer l’un de ses engins mais nous sommes tous conscients de la pénibilité des ces tâches pour  les ouvriers.

Néanmoins j’espère un jour pouvoir revenir à la saison des récoltes, cette usine si tranquille doit ressembler à une véritable ruche.

Retour à Bembéréké où nous assistons chez Etienne à une réunion de la Cuma de Guéré dont il est président. Des bancs ont été disposés en carré  dans la cour, timbales et boissons posées à même le sol. Les adhérents nous présentent leur Cuma. Guéré signifie victoire. Et pour eux s’en est une que de pouvoir nourrir leurs familles en travaillant plus de surface grâce au tracteur. De nouveau je suis confrontée au choc des cultures et à des évidences que dans mon petit confort d’européenne je ne réalisais pas. L’un d’eux explique en effet qu’un des intérêts importants du tracteur c’est de pouvoir envoyer les enfants à l’école au lieu de les garder au travail dans les champs. Pour certains cela paraît un lieu commun, mais moi je suis interpellée par cette lucidité sur la nécessité d’un certain « savoir » et j’ai une pensée pour nos garnements d’écoliers français qui ignorent tellement leur chance…

Ce groupe est demandeur d’information et de formation. Ils aimeraient pouvoir produire un peu de viande blanche, poulets, pintades. Ils ont besoin de pistes dans la manière de conduire un tel élevage même modeste.

La journée est bien avancée, il est temps de rentrer. Demain Béatrice doit repartir.

Avant de quitter Bembéréké, visite impérative chez le mécanicien. Sacré personnage ! Devant la porte un tracteur d’entreprise et sa charrue… Il va manifestement parvenir à le réparer encore et de soudure en soudure retarder la dislocation totale… Dans la scierie attenante les ouvriers accourent et posent pour la photo. De l’autre côté de la rue deux manguiers séculaires servent d’abri à un atelier de menuiserie. Des bureaux d’écoliers et des lits en bois de teck  y sont fabriqués. « Bicous » poules naines et poussins se promènent en liberté au milieu des pièces de bois et des ferrailles.
A Ina nous rejoignons nos compagnons. Ils ont eu des nouvelles du groupe de Cotonou et l’inquiétude monte… notre container n’est toujours pas au port !

A notre arrivée chez Saby Mark nous sommes accueillis par les enfants. Les jumeaux Eloge , Elodie et leurs cousins.
Elodie a décidé que j'étais son amie voire même sa mamie d'adoption. Elle me saute dans les bras et rechigne à me quitter... Ce soir tata Martine nous a préparé de la pâte grise. C’est une purée de farine de maïs fermentée servie avec la traditionnelle sauce oignons tomate piments et du mouton grillé. La pâte grise ne s’avère pas mon plat préféré… mais sauce et  mouton sont délicieux. Encore une journée riche de rencontres et de découvertes. Douche, rédaction du carnet de bord, enregistrement des photos de la journée et je plonge dans un profond sommeil sans rêve jusqu’au matin. Cette nuit je n’entendrai ni le muezzin et sa prière très matinale, ni l’angélus. Je dors !


Mercredi 20
mai

Ce matin, nous visitons la première cuma crée dans ce département du Borgou. Celle d'Ina1. A notre arrivée le président est absent. Chaises et bancs nous attendent sous le manguier. Un groupe d'enfants,  le chien endormi à leurs pieds, sont déjà assis à l'ombre, l'un d'eux déguste une mangue en guise de petit déjeuner. Bien belle image! "clic"

Je souris du réveil du chien qui se nourrit des reste de la mangue. Un chien végétarien...
Contre le mur, trois autres enfants, sages et attentifs sont groupés sur un fauteuil, légérement à contre jour, un rayon de soleil les nimbe d'un halo lumineux. Image superbe, re clic...
Les cumistes d'Ina sont un peu timides, mais le trésorier s'exprime pour tous. Puis arrive le président sur sa moto, vêtu de blanc et mauve. Tous attendent le salon avec impatience et un zeste d'angoisse. Le public ils ne doutent pas de sa présence, mais les gouvernants seront ils suffisamment interpellés par l'avenir des paysans pour se déplacer? Pourtant, la radio doit, à partir d'aujourd'hui, diffuser l'information et des interviews d'Etienne.  Depuis quelques jours une rumeur commence à courrir discrètement "Il paraît que le président viendra ..." et l'espoir s'installe... Ils semblent impressionnés et respectueux  que Béatrice soit une élue de la France. Ce pays où ils aimeraient tous pouvoir venir.
Aussi sympathique que soit la rencontre, l'heure de départ de Béatrice est fixée à 11 heures pour être à Cotonou 8 heures plus tard. Pas très élégant de la laisser repartir seule, je vais donc l'accompagner jusqu'à Cotonou où nous rejoindrons le premier groupe. Ils doivent monter à Ina dés l'arrivée du container. Mais cela s'annonce mal... toujours aucune nouvelle...
C'est donc à trois, Béatrice,  notre chauffeur et moi que nous prenons la route. Cette deuxième aventure routière est égale à la précédente, bien qu'Amissou ne soit pas un fada du klaxon comme le chauffeur du bus. Il conduit de manière sûre et surement très bien... à la mode africaine. Seulement bien imprégnées de nos habitudes européennes... il nous arrive... de frémir un peu... A la suite d'une manoeuvre à gauche pour éviter un énorme trou dans la route, nous n'avons vu que le camion qui arrivait en face... Cri...
eh bien non! pas de krach! tout le monde s'est croisé le plus tranquillement du monde... Nous nous regardons... et voilà le fou rire ! Amissou est intrigué "qu'est ce qu'il y a mesdames?" "Rien, rien Amissou, tout va bien" et le rire redouble... il insiste "Vous trouvez que je ne conduit pas bien ?"..."Mais si Amissou... on disait juste qu'en France tu serais dejà en prison depuis au moins une heure..."
Il commence à faire chaud une certaine somnolence nous gagne.
Nous sommes réveillées par Amissou qui vient de programmer un arrêt pipi. Ha! ça fait du bien de s'étirer et de bouger un peu...
La radio diffuse les infos et nous entendons l'annonce du salon d'Ina. C'est bien. Nous entendons aussi que le cerceuil de ce pauvre cardinal Bernardin Gandin, décédé en France, doit être rapatrié à Cotonou aujourd'hui même.
Amissou, de confession catholique est très ému et peiné. Bernardin Gandin était un grand homme du Bénin, le président Boni Yayi , en personne,doit accueillir sa dépouille à l'aéroport.
Là, ça nous inquiète un peu de le croiser, l'aéroport risque d'être difficile d'accès...
A Parakou, un arrêt au bureau de poste, seul endroit où nous avons quelque chance de trouver des cartes postales pour sacrifier à la pensée amicale. Les seules disponibles sont des images religieuses... tant pis! Ce matin, j'avais émis le souhait d'acheter des tissus que je  trouve superbes. Arrêt chez une vendeuse que notre guide connait. Je trouve deux vêtements et deux pièces de tissu, chouette ! De l'autre côté de la rue Amissou remet un paquet à une très belle jeune femme accompagnée de deux enfants. Son épouse et sa petite famille. Salutations rapides et nous repartons, achetons un peu de nourriture, nous mangerons en roulant. A la sortie de Tchaourou Amissou nous  montre la maison du président. Résidence privée à la campagne.
Brusquement, en vue du "rond point", notre véhicule est doublé en trombe par deux bus nigériens... qui, sans ralentir le moins du monde ne s'embarrassent pas de la manoeuvre giratoire, et filent tout droit sur la partie gauche du rond point, au grand dam d'un pauvre motocycliste qui accomplit une manoeuvre désepérée hors route... heureusement sans tomber, avant de continuer tranquillement son chemin... sans même insulter les chauffards... Incroyable ! Mais vrai...
Nous approchons de Cotonou, la circulation se fait plus dense. Nous croisons une voiture noire dans laquelle nous avons le temps d'entrevoir des femmes... rutilantes de bijoux. A l'arrière de la voiture une pancarte indique "Roi d'Abomey" J'éclate de rire... mais Amissou nous explique qu'il y a bel et bien un personnage qui se dit roi d'Abomey...
Abomey, justement nous y arrivons. C'est le début de la saison des pluies et un gros orage nous a précédés. La route est couverte d'eau et de boue et les pauvres motocyclistes se font copieusement eclabousser...
Il est un peu plus de 18h, il ne fait pas encore sombre mais la lumière baisse. Sur les boulevards de Cotonou c'est le grand rush. La ville baigne dans une sorte de brouillard puant de gaz d'échappements. Il y a foule également sur les trottoirs. Le retour du cardinal sans doute...
Nous rejoignons, Alain et Marie Jo à chant d'oiseau. Il faut déménager... L'hôtel nous joue un tour bizarre, il faut libérer les chambres pour les fidèles qui viennent aux obsèques. Charmant... Un peu plus loin sur l'avenue nous trouvons d'autres chambres, sans moustiquaire, douche et toilettes communes, mais nous n'allons pas faire les difficiles. Problème tout de même... pas de place pour Amissou. Le bougre n'est pas sans ressouce, il téléphone à une logeuse potentielle où il conduit parfois ses clients et parvient à se caser. Ouf ! Une bonne douche et nous allons manger au chinois. C'est toujours aussi bon, mais ce soir... nostalgie oblige... je commande des frites ! Nous reconduisons Béatrice à l'aéroport. Toujours grosse foule dans les rues, pourtant le cardinal semble avoir quitté les lieux... On comprend mieux quand nous apercevons un écran géant sur lequel se déroule un match de football...
A la porte des départs, une  incroyable file d'attente de voyageurs et de bagages. Pour ne pas subir l'interminable cérémonie d'enregistrement, Béatrice a délesté sa valise et peux ainsi la garder en cabine. Elle embarque donc aussitôt... Bon voyage ! A bientôt !
Retour à Chant d'oiseau, nous n'avons plus de chambres ici mais pouvons accéder à internet. Marie Jo doit  envoyer du travail mais rencontre des difficultés de connexion et s'éxaspère un peu. Je consulte une longue liste de messages et envoie des nouvelles à ma famille. De nouveau Marie Jo et moi partageons la chambre. Dans la douche très exigüe c'est l'inondation assurée... La fatigue a fait son oeuvre, nous plongeons vite dans les bras de Morphé. Le sommeil demeure superficiel car toute la nuit nous sommes bercés par les chants et la musique. Les habitants de la ville de Cotonou célébrent la mort du cardinal Bernardin Gandin en musique et chansons...

Jeudi 21 mai

                    Tôt levés, c’est dans le jardin que nous prenons le petit déjeuner. Rafraîchi par l’orage de la veille, l’air est doux, mais c’est une chaude journée qui s’annonce. Deux chatons tigrés jouent avec leur mère sous les arbustes de la terrasse. Alain quitte enfin le téléphone… toujours pas de container au port… nous l’imaginons perdu dans un autre pays où au fond de l’océan… La mission de Grand Popo est terminée, une dernière démarche ce matin à la banque mondiale et inutile d’attendre davantage, direction Ina. Je suis un peu déçue, je ne verrai pas la zone côtière et l’océan. Tant pis, je sais parfaitement que nous ne sommes pas venus faire du tourisme. Amissou est à l’heure et nous attend devant la porte. Marie Jo et Alain ont un peu oublié l’emplacement exact de la banque mondiale, que nous finissons par repérer après deux passages sur le boulevard qui longe les quais. Un beau bâtiment, ceint de murs protecteurs, le tout lumineux, peint en bleu et blanc. Marie Jo et Alain, pénètrent dans ce sanctuaire de l’argent. Ils doivent y retrouver Jean-Joël notre béninois bordelais. Tous les trois doivent négocier des conditions de prêt un peu plus… « souples » pour nos amis paysans des Cuma. En face, des bougainvilliers dégoulinent du haut mur d’un jardin, dans un camaïeu de rose et violet. Dans la voiture Fanny  est plongée dans la  lecture, Amissou déguste son petit déjeuner au coin de la rue et moi je déambule sur le boulevard. De l’autre côté ce sont les grands hôtels, devant lesquels flottent des drapeaux mondiaux. Sirènes de police, escortes motorisées, de grosses voitures noires, rutilantes, sortent des parkings hôteliers afin de conduire d’insignes visiteurs aux obsèques du cardinal Gandin.

Tout au long de l’avenue, une large bande de jardins fleuris. Un homme s’active dans l’un d’eux. Il parle français, nous conversons un instant et je comprend qu’il s’agit de ce que, chez nous, nous qualifions de jardins ouvriers. Mais ici se sont des fleurs de toutes sortes qui remplacent nos légumes. Cela donne un cachet particulier à ces larges avenues de Cotonou.

A la banque mondiale, Marie Jo et Alain s’attardent. C’est sans doute bon signe, si la conversation est engagée la négociation aussi. Assise sur une grosse pierre j’observe le va et vient matinal. Amissou me rejoint et nous pouvons bavarder. En deux jours il s’est bien « dégelé ». Il prend ses repas avec nous, placé près de moi à table il me parle de sa famille, de ses petites et grandes misères aussi. Depuis qu’il sait que j’ai un fils du même âge que lui, il a abandonné le « madame » un peu cérémonieux et ne m’appelle plus que « maman »où "mamie"

 Ce matin, il me confie qu’hier il n’a pas osé prolonger l’arrêt à Parakou, mais qu’il aurait tellement aimé me montrer de plus près son épouse et ses deux petits. Je lui promets que si nous avons l’occasion de rattraper ça, je serai très heureuse de les connaître.

Les voilà ! Les « ambassadeurs » financiers sortent de la banque. Le lourd portail se referme sur les secrets de la richesse. Ils ont le sourire, il y aura sans doute du positif dans cette démarche, mais ils demeurent très réservés quant à la réalisation des pistes retenues. Il y a tout de même espoir de prêts à taux d’intérêt à un chiffre, mais, si à deux chiffres le premier sera un1.Traduction en langage européen 9 où 10%. Ce serait déjà une sacré avancée comparé au + de 20% actuels. Affaire à suivre…

Jean-Joël est un grand garçon sympathique, volubile et décontracté qui travaille en France dans le milieu bancaire. Sans façon, près de la voiture, il troque le costume cravate pour short et tee-shirt plus adaptés pour le voyage. Nous attaquons la route. Depuis lundi, c’est la troisième fois que je fais ce voyage. Pourtant je ne parviens pas à être blasée, il y a toujours une anecdote où une scène incroyable pour me surprendre. Bien que béninois, Jean-Joël a grandi à Cotonou, il va découvrir le nord, la campagne profonde et les paysans de son pays.

Le Bénin bénéficie de la saison pluvieuse de mai à octobre, les pluies ayant déjà commencé, la route déroule des paysages verdoyants.

Dans la traversée d’un village, un adolescent et un jeune enfant sont accidentés. La moto est renversée au milieu de la route. Le gamin choqué, marche difficilement vers une zone d’ombre, traîné par des femmes qui crient. Sur le côté, à l’ombre d’un étal, l’adolescent gît, sonné, entouré de gens qui s’agitent. Mon pouls s’est brusquement accéléré. Trop de gens que j’aime ont payé un lourd tribu aux accidents routiers et je vis toujours assez mal ce genre de scène. En l’occurrence nous ne sauront jamais la gravité de celui là, mais je prends totalement conscience de l’extrême dangerosité de cette route unique . Et sans doute de l’absence de secours dignes de ce nom. Souvent le dispensaire local pallie à l’absence d’hôpital, mais que ce passe t’il pour les cas très graves ? Je ne le sais pas… mais je comprend que dans la traversé de certains villages, quelques femmes montrent le poing aux automobilistes pressés où  disposent des morceaux de bois sur la chaussée. Sortes de chicanes qui obligent les véhicules à ralentir…

La chaleur monte, la somnolence nous gagne. Quelques heures plus tard, arrêt sur un marché où nous achetons des fruits pour notre repas. Que les béninoises sont belles ! Je mitraille et fais provision de photos. Alors qu’Alain négocie notre repas, j’entends  quelqu’un qui m’interpelle. « Maman », viens un peu ici… viens… Sous une cabane au toit de chaume un jeune béninois souhaite être photographié avec son vélo, ses frères et soeurs. Il souhaite surtout que je fasse le portrait de « l’ancêtre ». Un vieil homme vêtu de blanc, se lève et prend la pose. Il souri de toute sa bouche édentée et son œil unique pétille de fierté devant l’objectif. Se voir sur l’écran déclenche des cris de plaisir, c’est le tour de la grand’mère avec sa fille et un bébé. Leur joie est contagieuse, ils m’entourent, me prennent la main comme si j’avais accompli un miracle… Mais cet instant de gloire est de courte durée, il faut reprendre la route.

Quelques heures, un arrêt pipi et beaucoup de kilomètres plus tard nous retrouvons nos compagnons à Ina. La grande allée soigneusement balayée nous accueille, le long des manguiers, une cinquantaine de tracteurs des Cuma, bien astiqués sont alignés comme à la parade. Nous apprenons qu’un autre est en route. Il va parcourir 107 kilomètres pour figurer au salon et sera là demain matin.

Bon travail ! Tout est prêt pour un beau salon. Mais la joie de la mise en place est toujours teintée de la même anxiété. Les officiels seront-ils là ?

J’aperçois les filles et les garçons scolarisés au CETA. Leur grand nombre m’inquiète. Dans mes bagages j’ai traîné (à grand peine) une énorme valise (20 kg) remplie de cadeaux, mais je n’en aurai jamais assez pour tous… Que faire ? Idée ! Organiser des jeux et faire gagner les cadeaux me semble le plus équitable. Ici nous avons retrouvé deux nouveaux. Bernard, président de Cuma des Pyrénées Atlantiques qui s’engage dans l’aventure mécanisation au Bénin. Christine envoyée de la fédération nationale des Cuma. Je sollicite l’aide de Christine et Fanny pour élaborer un questionnaire et animer les jeux du lendemain.

Cette valise de cadeaux a une histoire en France. Le conseil général sollicité, en la personne de Jean-Pierre Saint Amand, a répondu favorablement et donné un lot de sacs en jean et un lot de casquettes orange au sigle du conseil général de la Dordogne. D’autre part j’ai effectué une tournée des coiffeuses, parfumeuses où pharmacies du canton du Buisson, où j’ai fait moisson d’échantillons de crèmes, parfums, mini savons etc.… Mon amie Josette, a récolté également des échantillons auprès d’un institut de beauté et de la pharmacie de Beaumont du Périgord. Joyeuse et fière elle y a même trouvé un vrai trésor de guerre… 60 petits sacs vanity en plastique orange, cadeau publicitaire des laboratoires Vichy ! Du coup, nous avons embauché mon petit mari et mis dans chaque sac un éventail d’échantillons divers.

J’en profite pour remercier : le conseil général et JPSA en particulier, les coiffeuses du Buisson, les pharmacie du Buisson et de Beaumont, l’institut de beauté de Beaumont. L’hôtel restaurant de l’Abbaye à Cadouin, le grenier de Louise Marie, le journal Sud Ouest, l’inter marché du Bugue pour son accueil sympathique, Je ne remercie en aucun cas l’inter marché de Siorac pour un accueil arrogant et stérile.

Le journal Sud Ouest m’a également procuré des jeux et des gadgets ainsi que de nombreux stylos. Karine, au Grenier de Louise Marie au buisson a donné, cahiers,carnets et stylos.
Nous regagnons N’Dali, au bord de la route les gardiens de l’usine de coton ont pris l’habitude de nous voir passer chaque jour et nous saluent. Entassés à seize dans notre véhicule douze place, nous sommes les « africains blancs »

 

Au maquis, Elodie toute excitée me saute dans les bras. Jean-François fait office de photographe, mais cela intimide brusquement la jeune demoiselle. Tata Martine nous à préparé de la pâte rouge. C’est la même que la pâte grise, tomate et piment en plus. Je demeure quelque peu réfractaire mais le poulet grillé est très bon. Ce soir Amissou semble nerveux et s’agite avec le téléphone. Puis il me confie son inquiétude, sa petite fille, de bientôt un an, est atteinte d’épilepsie. A l’hôpital de Parakou on lui a prescrit un nouveau traitement qui semble agir positivement. Il finit par avoir des nouvelles. La petite est calme et semble aller bien. Rassuré il se calme, mais je comprends combien il lui est pesant d’être sur la route quant cela va mal chez lui.

Ce soir Matchu nous a rejoint et nous bavardons à table, sorte de veillée d’arme avant le grand jour.

Demain aura lieu ce qui sera un événement où… une manifestation banale.

Dehors le ciel est magnifiquement étoilé, sans doute un bon présage… vite dodo !

A suivre…



 

 

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